Règles du jeu
Le confinement est un jeu de société qui, assez étrangement, se pratique plutôt seul. Il ressemble dès lors malgré lui à un art martial, voire à une forme de supplice chinois qui ne dit pas son nom (mais qui ne dit pas oui non plus).
Il peut toutefois se jouer à deux, au seuil de la cinquantaine, en suivant des règles qui se rapprochent de celles de l’awalé sauf que ça n’a rien à voir, ou qui, s’il y avait le moindre rapport, pourraient s’apparenter vaguement au jeu d’échecs coinché (dit aussi « à la mauve citrouille », variante locale hélas trop peu connue).
C’est une sorte de cadavre exquis quotidien, fait de sons et de bruits, de musiques surtout et puis aussi de mots, et enfin d’amitié et de complicité. Celui qui a eu l’idée du jeu envoie, l’autre renvoie, et c’est parti, et ne dites pas qu’alors finalement c’est plutôt au tennis ou au ping-pong que ça ressemble, ce n’est pas le moment.
Plusieurs journées peuvent se superposer, plusieurs balles se croiser, interférer, rebondir l’une sur l’autre, ricocher ou faire écho, même à plusieurs jours d’intervalle. Les joueurs, librement et en alternance, sortent ce qu’il y a au-dedans ou s’inspirent du dehors. Parfois les codes explosent, les règles se percent à jour ; parfois pas et c’est un peu crypté, mystérieux. En cas de non-égalité, il arrive que l’un des deux joueurs voire les deux reculent d’une case ou de plusieurs. Mais c’est rare ; il convient d’avancer. Un peu comme à la balle pelote — dont le but principal du jeu est de hurler « quinze » dès que l’occasion s’en présente —, le premier qui crie « quarante » a gagné et attend l’autre, pour qu’on puisse proclamer un ex-aequo et vider la bouteille.
La partie dont il est question ici dure depuis près de quarante-quatre ans, mais elle s’est singulièrement et sympathiquement accélérée depuis quelques semaines. Elle a même, osons le dire, l’air achevée, malgré la qualité régulièrement médiocre des connections live, audio et vidéo, censées garantir le bon déroulement des échanges (l’un en studio, l’autre au téléphone) et le débriefing quotidien.
Au fil de ce jeu d’Eloi, ou de ce Manu a mano, on aura ainsi, avec patience ou perplexité, croisé un certain nombre d’allusions ou de références, de clins d’œil ou d’emprunts éhontés, de pratiques à contraintes (d’écriture ou musicales), d’étrangetés sonores, de bizarreries de langage.
Le fait est que régulièrement, en cours de route, les joueurs eux-mêmes n’y comprennent plus grand-chose ; mais ils s’accrochent, et tout compte fait s’amusent bien. Ils forment par ailleurs le vœu, modeste — car finalement tout ça est (une) parti(e) de rien — mais immense malgré tout, qu’il en sera de même pour les auditeurs-spectateurs. À la fin, un certain nombre d’entre eux ont d’ailleurs amené leur propre rangée de six trous et ont contribué, à bonne distance (comptez plutôt quarante que quinze) mais avec entrain, au bouquet final.
Il ne vous reste plus qu’à appuyer sur la touche « go » — et comme au billard, personne ne bouge.
L’impression de défilement est contenue dans l’immobilité du paysage.
Le niveau du jeu ou la qualité de la partie n’entrent pas dans les intentions premières, ne visent aucun standard ni critère, se réservent une part d’aléatoire.
La bulle des joueurs est illimitée.
La case « départ » s’appelle reviens.
Pourvu qu’on en sorte…
Mercredi 4 novembre: Donald or Joe (troubles de l’élection). Jeudi 5: Un loup (clin d’œil de lynx à Vincent). Vendredi 6: Cette fois ou la bonne (ou pas). Samedi 7: Période de chasse (ou période chaste?). Dimanche 8: La culotte à l’envers (l’endroit vaut le détour). Lundi 9: Box to Box (d’ici à ici, un week-end de confinement…). Mardi 10: La culotte à l’endroit (retour à l’envers). Mercredi 11: Miss Lou rit dans tous ses états (codé sans accent). Jeudi 12: Jesus and Gavin (trou de mémoire en boucle). Vendredi 13: L’abonnement (petit compte macabre). Samedi 14: Est-elle sous le capuchon ? (Tandis qu’au loin les flics flaquent…). Dimanche 15: L’abonnement II (plus un, discret). Lundi 16: Chouette, du flamenco ! (Nocturne, op.16). Mardi 17: Je l’ai retrouvée… (parmi 13999 autres petits bonheurs de Barbara Ann). Mercredi 18: E (m’écrit une lettre). Jeudi 19: Ana, cyclique (Haïku mon cœur, haïku mon cul). Vendredi 20: Count East (version non exotique). Samedi 21: À couverts (sous Covid). Dimanche 22: Awalé cul sec (ou en deux coups). Lundi 23: L’autre côté (Aller simple). Mardi 24: À vérifier (le mot douteux…). Mercredi 25: Mais où est Henry ? (Saurez-vous le trouver…). Jeudi 26: Tropiques climatisés (retour simple et lecture panique). Vendredi 27: J’attends (…). Samedi 28: Tournai-Marchin (à la vitesse de la radio). Dimanche 29: J’attends Adeline (La fille aux œufs bleus). Lundi 30: Cogida arruza (Ce soir, je prépare le souper et le piano). Mardi 1er décembre: Dis-moi qui (chanson tuante). Mercredi 2: Cher Monsieur Tom Waits (On ne sait jamais…). Jeudi 3: Bach to the past (et haut les chœurs). Vendredi 4: Alors je gratte un p’tit peu (Y a qu’la vérité qui démange). Samedi 5: Image! (Magie?). Dimanche 6: Jurjina (Comptez sans moi…). Lundi 7: À part ça, comment valse? (Comme un adieu…). Mardi 8: Lost in pizzicato (Une comète). Mercredi 9: En sifflant la bouteille (la minute scoute et méditative). Jeudi 10: Adeline de « bling », Adeline de « blang » (« Choses qui… » d’un autre siècle). Vendredi 11: Marraine Odette (Échos des vivants). Samedi 12: Parade (par ordre de non-apparition…). Dimanche 13: Tom & Co (surtout & Co!).
Pour leurs petits coups de pouce, d’oreille ou de voix, merci à Adeline Rossion, Alain Philippoff, Anne Cassin, Bea Dei Caz, Béatrice Renard, Benoît Chantry, Brigitte Martin, Chantal Notté, Charles Michiels, Charlotte Collet, Comète Wafwana, Coralie Ladavid, Cyrille Crepel, Didier Platteau, Emmanuelle Poussol, Eric Devos, Estelle Holvoet, Françoise Lison, Frédéric Janus, Gaëtan Vanneste, Gaston Degand, Hélène Bargibant, Jean-Marc Hommé, Joseph Bertholet, Le grain des choses, Louis Manche, Louise Ectors, M. Zo, Manon Cuppens, Marie Delmée, Marie Michel, Maxime Marchandise, Michel Mainil, Mirella Carà, Nicolas Lorent, Nina Petre, Olivier Darques, Olivier Toffolo, Pascale Tison, Patricia Delhuvenne, Patrick Joniaux, Paul-Emile Guévart, Philippe Deman, Pierre Wuidart, Stéfanie Calonne, Thomas Champagne et Véro Vercruysse.
Musique : Eloi Baudimont avec la complicité de Manu d’Autreppe
Textes : Manu d’Autreppe avec la complicité d’Eloi Baudimont
Enregistrement et mixage : Eloi Baudimont
Mastering : Olivier Darques
Graphisme : Nicolas Lorent
Droits réservés ©2020
Conformément aux prescriptions légales, l’éditeur s’est efforcé de régler les droits d’auteur liés à l’iconographie. Les détenteurs de droits qu’il n’aurait pu retrouver malgré ses recherches sont priés de se faire connaître afin de satisfaire au plus tôt à la législation en la matière.